Doit-on surfer sur nos menstruations ?

Aujourd’hui, je voudrais vous parler des publicités pour les tampons et serviettes hygiéniques. Vous voyez ces spots publicitaires où :

  • les femmes surfent gaiement sur les vagues et dansent, insouciantes, arborant leur jupe la plus mini ou leur Skinny blanc immaculé ?
  • des liquides bleus lagon sont magiquement absorbés sans jamais déborder ?
  • l’on déjoue Dame Nature qui vient livrer notre cadeau mensuel !
  • il est question de liberté et de fraîcheur, de sortir jusqu’au bout de la nuit, de se lancer, de TOUT OSER !

Vous voyez de quoi je parle ?

Je vous propose d’interroger ensemble les messages qui y sont véhiculés.

 

Une simple question de flux ? 

 

Ces publicités semblent dire que les règles ne sont qu’une histoire de tampon bien positionné et de bon format de serviette. Aucune autre incidence que celle de devoir porter une protection : grâce aux produits vendus, nous pouvons aller en toute liberté surfer, escalader, danser, draguer, skater, etc. !

 

Le problème, c’est que le message marketing n’est pas totalement faux,

mais pas totalement vrai non plus.

 

Car il passe sous silence quelques « détails » autour des menstruations : les crampes « coups de couteau », les hormones sens dessus dessous, l’énergie en berne, les jambes en coton, les nerfs à fleur de peau, les migraines, les ovaires contorsionnés, les reins en compote, les bouffées de chaleur, et autant de combinaisons de symptômes et de degrés d’intensité qu’il existe de femmes réglées…

L’histoire de la nageuse chinoise Fu Yuanhui (qui avait évoqué sans aucun tabou ses règles à la télévision lors des JO 2016) – l’illustre bien: c’est techniquement possible de nager durant ses menstruations, mais les règles ne sont pas sans influence sur l’état de fatigue et les performances sportives. Et à cela, aucune protection hygiénique ne peut pallier !

La stratégie marketing est habile : véhiculer un message esthétisé décorrélé de la réalité crue. Bref, créer un mythe vendeur.

Et tant pis pour vous, Mesdames,

si vous vivez votre période bien différemment du scénario marketing !

 

Nouvelles libertés ou nouvelles injonctions ?

 

Les messages publicitaires insufflent aussi l’idée que les produits hygiéniques nous ont ouvert tout un champ nouveau de libertés. “Les temps ont changé”, nous voilà enfin “libérées de nos contraintes menstruelles”, scandent-ils avec en filigrane les grands combats féministes !

Puisque que les protections se chargent d’absorber nos flux menstruels, il nous resterait donc plus qu’à nous les femmes à user pleinement de notre nouvelle liberté. Faire tomber les carcans anciens. Dépasser les limites. Surtout, ne rien s’interdire !

  • Mais que dire alors à celles qui privilégient le pantalon à la mini-jupe ? ou qui dégainent leur culotte confort plutôt que leur string sexy ?
  • Doit-on rougir si on opte pour la bouillote sur notre bas ventre tiraillé plutôt que pour le clapotis des vagues sur notre planche de surf ? si on n’a pas nécessairement envie de « tout oser » mais qu’on a juste envie d’oser dire qu’on est fatiguée ?
  • Et si on se sent plus ourse qui hiberne que tigresse en chaleur ? Si on a pas trop envie d’aller chasser le mâle ? Ou si on veut juste décréter une période d’indisponibilité sexuelle ?

A-t’on le droit, au moins une fois dans le mois, de ne pas être à 100%, de vivre au rythme de notre corps, de se sentir vulnérable, de faillir à notre devoir de productivité, d’envoyer balader toutes ces injonctions qui pèsent sur nous ?

Le scénario marketing n’a pas simplement propagé un mythe vendeur. Il a érigé un standard à suivre – celui de la femme moderne : dans la performance constante, sans limite, dominatrice. Et gare à celles qui ne suivraient pas le modèle ou la cadence !

 

Voilà que nos nouvelles libertés nous ont enfermées dans de nouveaux diktats…

 

Se libérer de notre nature ?

 

Afin de nous vendre ces produits censés servir la condition féminine, les slogans publicitaires vantent le produit miracle : les serviettes périodiques nous ont carrément « libéré de nos contraintes menstruelles », les tampons ont réussi la prouesse de « déjouer Dame Nature ».

Oh, je ne nie pas le confort que nous avons gagné, ni les nouvelles possibilités qui nous sont offertes.

Mais de là à « Déjouer Dame Nature »… ? Il faudrait donc déjouer notre nature féminine ? Et nous « libérer » – nous libérer de quoi au juste ? De notre rythme cyclique ?

Je m’interroge : est-ce que pour gagner en liberté, on doit nier une partie de ce qui fait notre nature ? Est-ce que pour prétendre à l’égalité avec les hommes, il nous faut nous viriliser ? Est-ce que pour être « mieux femme »… on doit l’être un peu moins ?

 

Moi, je revendique la Liberté sans devoir nous dénaturer,

l’Egalité des sexes sans rien enlever à nos singularités !

Bref, le droit à notre Féminité pleine et entière,

avec notre nature cyclique, nos fluctuations d’hormones,

nos pics d’énergie et nos baisses de régime, nos forces et nos limitations.

 

 

Alors contre les représentations mensongères, les pressions culpabilisantes,

et les standards dénaturants, un seul crédo :

“ Liberté – Egalité – Féminité 

7 Comments

  • Anais

    Une fois de plus tu m’as régalée!!! Merci Johanna et surtout continue! 👏🏾👏🏾👍🏾😍

    • Johanna

      Ravie que ça te plaise autant, Anais, et merci pour tes encouragements qui me vont droit au <3

  • Sylvie Cottrell

    Super!

  • Elodie

    Super article

  • Sarah, Bien-être Quotidien

    Moi aussi ces pubs me gonflent ! Parce qu’en plus elles nous poussent à nous mettre des trucs bien cracra chimiques etc dans notre partie la plus intime, la plus précieuse, celle qui fait notre féminité même !!! Personnellement je les rejette en bloc. J’assume pleinement mes règles, ma fatigue des 2 premiers jours et mon besoin de vêtements larges à ce moment là. Je mets des langes en microfibres, tout doux et absorbent, c’est un peu épais, parfois ça ne me gêne pas, si ça me gêne je mets une cup. Oui, il y a du sang, il faut nettoyer le lange ou la cup, non ce n’est pas sale, c’est naturel. Merci beaucoup Johanna de lever ce sujet tabou. 💜

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